Elon Musk attaque OpenAI en justice : les dessous d’un procès retentissant

Le monde de l’intelligence artificielle (IA) est en ébullition. Elon Musk, le célèbre milliardaire et cofondateur d’OpenAI, a décidé de traîner en justice l’organisation qu’il a contribué à créer. Cette action en justice, qui promet d’être l’une des plus suivies de 2024, vise non seulement OpenAI en tant qu’entité, mais aussi Sam Altman et Greg Brockman, deux de ses fondateurs, à titre individuel.

Cette plainte explosive, déposée devant un tribunal californien, promet de faire la lumière sur les dérives supposées d’OpenAI et de ses dirigeants. Au cœur des débats : le respect des principes fondateurs de l’organisation, la transparence de ses recherches et la nature de ses partenariats avec des géants de la tech comme Microsoft.

Elon Musk contre OpenAI : les raisons d’une rupture

Tout commence en 2015, quand Elon Musk cofonde OpenAI avec l’ambition affichée de développer une IA « bénéfique pour l’humanité ». L’organisation se veut transparente, collaborative et à but non lucratif. 

Les statuts précisaient que les recherches et les avancées de l’organisation seraient rendues publiques, dans une optique « open source ».

Mais en 2019, le ver est déjà dans le fruit. OpenAI crée une filiale commerciale (OpenAI LP), signe un partenariat exclusif avec Microsoft et commence à garder secrets ses projets les plus prometteurs, comme GPT-3 (sorti en 2020) puis GPT-4 (sorti en 2023).

D’après le communiqué d’OpenAI, la création d’OpenAI LP en 2019 avait pour but de générer des profits qui permettraient de financer les activités de recherche à but non lucratif de l’organisation mère OpenAI Inc.

La filiale commerciale OpenAI LP a été créée pour générer les fonds nécessaires au financement des recherches, ce qu’Elon Musk n’aurait pas été en mesure d’apporter seul. C’était une façon de concilier les impératifs financiers avec la mission non-lucrative initiale.

En 2020,  il y a eu un premier partenariat (1 million $) entre OpenAI et Microsoft 

Ce premier partenariat a été renforcé de manière significative en 2023:  

  • Microsoft a investi 10 milliards de dollars supplémentaires dans OpenAI en 2023. C’est une somme considérable qui s’ajoute au milliard déjà investi en 2019. 
  • En échange de cet investissement, Microsoft a obtenu un accès exclusif à GPT-4, le modèle de langage le plus avancé développé par OpenAI. C’est un point crucial car GPT-4 est considéré comme une avancée majeure vers l’AGI (intelligence artificielle générale).
  • C’est justement cette exclusivité accordée à Microsoft qui pose problème à Elon Musk. Selon lui, si GPT-4 est effectivement une forme d’AGI, alors OpenAI n’avait pas le droit de concéder un tel accès exclusif à une entreprise privée. Cela violerait les principes initiaux d’OpenAI de rendre ses recherches sur l’AGI accessibles à tous. 

En résumé, le partenariat OpenAI-Microsoft de 2023 a permis un investissement massif de 10 milliards de dollars en échange d’une exclusivité sur GPT-4, ce qui est au cœur de la plainte d’Elon Musk.

Pour Elon Musk, c’est une trahison des valeurs originelles du projet. Dans sa plainte, il accuse OpenAI d’avoir renié son ADN initial pour se muer en une « entreprise à but lucratif opaque ». 

GPT-4, Q* et Codex d’OpenAI : des IA trop puissantes pour rester secrètes ?

Au cœur de la bataille judiciaire, trois projets cristallisent les tensions : GPT-4,Q* et Codex. 

GPT-4, dévoilé en mars 2023, est un modèle de langage d’une puissance inédite. Capable de générer du texte, du code, des images avec un réalisme bluffant, il surpasse les humains dans une multitude de tâches cognitives. De quoi, selon Elon Musk, s’approcher dangereusement d’une véritable « intelligence artificielle générale » (AGI), ce Saint-Graal de la recherche en IA qui désigne un programme aux capacités cognitives comparables à celles d’un humain.

Q* (ou « Q-star ») serait ,selon Elon Musk, une autre forme potentielle d’AGI (intelligence artificielle générale) développée en secret par OpenAI.  Son développement aurait été la cause du licenciement temporaire de Sam Altman fin 2023, car il « allait beaucoup trop vite » sur ce projet. Des employés d’OpenAI auraient exprimé leurs craintes quant aux dangers potentiels de cette “AGI”, selon des informations rapportées par Reuters en novembre 2023.

Codex, de son côté, est un modèle spécialisé dans la génération de code informatique. Là encore, ses performances époustouflantes soulèvent des questions. S’agit-il d’une forme d’AGI dissimulée ? C’est ce que suggère Elon Musk dans sa plainte, en s’appuyant sur des échanges de mails avec les dirigeants d’OpenAI. Si tel était le cas, argumente-t-il, cette IA révolutionnaire devrait être accessible à tous, et non monopolisée par Microsoft ou une poignée d’initiés.

L’AGI, une notion clé mais floue

Toute l’affaire pourrait finalement se nouer autour de la définition même de l’AGI. Un concept central, mais encore très théorique et sujet à interprétation. Pour étayer son propos, Elon Musk rappelle les progrès fulgurants de l’IA ces dernières années. D’IBM Deep Blue, qui battait le champion du monde d’échecs dès 1997, à GPT-4 et ses capacités ahurissantes, en passant par AlphaZero et sa maîtrise des jeux de stratégie, les IA n’ont cessé de repousser les limites de ce qu’on pensait possible.

Reste à savoir si GPT-4, Codex et les autres IA développées en secret par OpenAI peuvent effectivement être qualifiées d’AGI. C’est tout l’enjeu du procès qui s’annonce. Les juges devront se plonger dans les méandres des neurones artificiels et du machine learning pour trancher cette question épineuse. Avec, à la clé, des conséquences majeures pour le futur de l’IA et son encadrement éthique et juridique.

OpenAI nie en bloc et contre-attaque

Face aux accusations d’Elon Musk, OpenAI ne reste pas de marbre. Dans un communiqué officiel, l’organisation réfute en bloc avoir trahi sa mission initiale. Elle maintient œuvrer pour une « IA bénéfique à l’humanité » et souligne que son virage commercial avait reçu l’aval d’Elon Musk lui-même dès 2015.

  • OpenAI produit des échanges de mails attestant que le milliardaire était favorable à une levée de fonds massive pour concurrencer Google, quitte à créer une structure à but lucratif. 
  • Selon OpenAI, le partenariat avec Microsoft était le seul moyen d’obtenir les investissements colossaux nécessaires pour rester dans la course à l’IA, Elon Musk n’ayant apporté « que » 45 millions de dollars.
  • L’organisation affirme aussi que son ex-bienfaiteur était d’accord dès 2017 pour réduire progressivement la part de l’open source, afin de protéger les avancées les plus cruciales. 

Une façon de renvoyer Elon Musk à ses propres contradictions et, peut-être, de souligner l’amertume d’un homme qui a vu lui échapper une entreprise promise à un avenir doré.

Conclusion : un procès historique aux enjeux vertigineux

Quelle que soit son issue, le procès qui s’annonce fera date dans l’histoire de l’intelligence artificielle. Il oppose deux visions difficilement conciliables. D’un côté, l’idéal d’une recherche ouverte, collaborative et désintéressée, incarné par l’OpenAI des débuts. De l’autre, la réalité d’une compétition économique et géopolitique féroce, qui pousse les acteurs à protéger jalousement leurs avancées.

Au-delà des querelles de personnes, ce sont des questions vertigineuses qui seront soulevées. Comment s’assurer que le développement de l’IA, et surtout d’une éventuelle « AGI », bénéficie au plus grand nombre ? Faut-il la confier à des structures à but non lucratif, ou composer avec les géants de la tech et leurs milliards ? Quels garde-fous mettre en place pour éviter les dérives sans entraver l’innovation ? Autant de défis urgents à relever pour que cette technologie fascinante ne devienne pas son propre ennemi. Le procès Musk vs OpenAI ne les tranchera pas tous, mais il pourrait poser quelques jalons précieux.

FAQs

Qu’est-ce que l’AGI exactement ?

L’AGI, pour « Artificial General Intelligence » ou « intelligence artificielle générale », désigne une IA aux capacités cognitives comparables à celles d’un humain. Capable d’apprendre et de s’adapter à n’importe quelle tâche intellectuelle, une AGI serait une étape majeure vers la création d’une intelligence « de niveau humain ». Mais sa définition exacte reste sujette à débat au sein de la communauté scientifique.

Quelles sont les implications potentielles de ce procès ?

Les enjeux de ce procès dépassent largement le cadre d’une dispute commerciale. Il pose des questions fondamentales sur la gouvernance de l’IA, son accessibilité, sa transparence. À travers le cas OpenAI se joue l’avenir d’une technologie appelée à transformer en profondeur nos sociétés. Les décisions de justice à venir créeront des précédents importants pour l’encadrement éthique et juridique de l’IA.

Pourquoi Elon Musk attaque-t-il OpenAI maintenant ?

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer le timing de cette plainte. Elon Musk a peut-être attendu que les développements d’OpenAI, notamment GPT-4, confirment ses craintes de voir émerger une AGI dans le plus grand secret. Certains y voient aussi une forme d’amertume, voire une tentative de récupérer le contrôle ou une part des bénéfices d’une entreprise qu’il a largement contribué à créer et à financer.

Que risque OpenAI si elle perd le procès ?

Difficile à dire à ce stade, tant les contours juridiques de l’affaire sont flous. Mais une défaite d’OpenAI pourrait l’obliger à revenir à un modèle de recherche plus ouvert et transparent, voire à remettre dans le domaine public certaines de ses IA les plus puissantes. Cela bouleverserait son modèle économique actuel, largement bâti sur l’exploitation commerciale de ses technologies en partenariat avec Microsoft.

Quand peut-on attendre un dénouement ?

Comme toute procédure judiciaire complexe, ce procès pourrait s’étirer sur plusieurs années. Si la plainte n’est pas rejetée ou l’affaire réglée à l’amiable, il faudra sans doute attendre 2025, voire 2026 ou 2027, pour obtenir une décision définitive. Un délai pendant lequel l’IA va continuer de progresser à un rythme effréné, rendant d’autant plus pressants les défis soulevés par Elon Musk.

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