Mark Zuckerberg veut créer une intelligence artificielle open source… Doit-on craindre Llama 3 ?

Le patron de Meta, Mark Zuckerberg, a fait une annonce pour le moins fracassante sur son compte Instagram le 19 janvier 2024 : il travaille actuellement au développement de Llama 3, la future intelligence artificielle conversationnelle de Meta AI qui pourrait devenir une « super IA » d’après ses dires. S’il se réjouit des performances à venir de ce modèle de langage, Zuckerberg prévoit également de le rendre open source une fois opérationnel.

Lama 3, le futur modèle de langage de Meta

Cette annonce intervient quelques semaines seulement après le lancement réussi de Bard par Google, modèle de langage censé rivaliser avec ChatGPT d’OpenAI. La compétition fait donc rage entre les géants de la tech pour dominer le marché des agents conversationnels.

Avec Llama 3, Mark Zuckerberg compte bien prendre tout le monde de vitesse. Selon lui, grâce à l’énorme base de données d’apprentissage de Meta AI et la puissance de calcul déployée, ce modèle de langage surpasserait tous ses concurrents.

Un entraînement massif pour Lama 3

En effet, Lama 3 est actuellement entraîné sur pas moins de 350 000 GPU Nvidia H100 dernière génération. À titre de comparaison, les fuites au sujet du développement de GPT-4 (le successeur de ChatGPT) font état d’un entraînement sur seulement 25 000 GPU A100.

L’investissement colossal réalisé par Meta pour le développement de son modèle de langage (estimé à plus de 10 milliards de dollars) montre une véritable volonté de domination sur ce secteur.

Une « super IA » open source ?

Cependant, la déclaration la plus étonnante de Mark Zuckerberg reste celle ci : il ambitionne de rendre Llama 3 entièrement open source à sa sortie. Autrement dit, n’importe quel développeur ou entreprise pourrait accéder librement au code source du modèle, et l’utiliser ou le modifier à sa guise.

Une perspective inquiétante lorsqu’on sait que le CEO de Meta qualifie déjà Lama 3 de « super IA », sous-entendu une intelligence artificielle aux capacités dépassant l’entendement humain. D’où les craintes de nombreux spécialistes de voir cet outil puissant accessible publiquement sans aucun contrôle…

Llama 3 open source : une décision dangereuse pour une « super IA » ?

À l’annonce des plans de Mark Zuckerberg, plusieurs figures éminentes de l’intelligence artificielle n’ont pas tardé à monter au créneau. Wendy Hall et Andrew Rogoyski s’insurge contre le danger potentiel d’une technologie aussi sensible accessible à tous sans la moindre barrière à l’entrée.

Des risques élevés en cas d’accès libre à Llama 3 open source

En effet, la perspective d’une intelligence artificielle généraliste, aux capacités dépassant celles des meilleurs experts humains dans tous les domaines, disponible gratuitement et sans licence soulève de profondes inquiétudes éthiques.

Qui pourrait contrôler l’utilisation d’un tel outil open source par certains régimes autoritaires ? Rien n’empêcherait a priori son exploitation à des fins de surveillance de masse des citoyens ou de propagation de fausses informations.

De même, des organisations criminelles ou terroristes ne pourraient-elles pas détourner une « super IA » comme Llama 3 pour créer de nouvelles armes ou outils malveillants ?

Llama 3 agi surveillance générale de la population,

La nécessité d’un encadrement éthique et démocratique des IA

Difficile d’imaginer confier le destin d’une technologie aux répercussions sociétales majeures à la seule discrétion de Mark Zuckerberg et Meta. D’après Andrew Rogoyski, « une super IA ne devrait pas être développée en vase clos par un seul homme se prenant pour Dieu ».

Au contraire, la communauté scientifique dans son ensemble appelle de ses vœux un encadrement éthique et démocratique de l’IA. Des principes partagés par le grand public, de plus en plus préoccupé par certaines dérives possibles.

Quid de la responsabilité juridique ?

Autre problème soulevé : en rendant son code source accessible à tous, Meta se déchargerait de toute responsabilité légale quant aux usages de Lama 3. Impossible de remonter à l’origine en cas de préjudice causé par l’IA.

Bref, vous l’aurez compris, ouvrir la « boîte de Pandore » d’une super intelligence artificielle sans verrouillage aucun reviendrait à jouer avec le feu d’après de nombreux experts.

La course à « l’IA du futur » oppose Meta et OpenAI

Il convient cependant de replacer l’annonce fracassante de Mark Zuckerberg dans son contexte. Quelques jours avant sa prise de parole remarquée, Sam Altman, le PDG d’OpenAI, tenait un discours radicalement différent lors du forum de Davos.

Un changement de pied soudain sur l’IA

Alors qu’il se montrait jusqu’à présent très enthousiaste sur le potentiel des modèles de langage comme ChatGPT, évoquant même des applications dans un futur très proche, Sam Altman a nuancé ses propos. L’avènement d’une IA générale capable de réaliser n’importe quelle tâche de façon autonome ne serait plus vraiment d’actualité à l’écouter.

Une passe d’armes à distance entre les deux patrons ?

Difficile de ne pas y voir un revirement stratégique destiné à tempérer l’appétit des investisseurs, plus qu’une réelle remise en cause scientifique. D’autant que cette sortie coïncide avec l’arrivée de nouveaux actionnaires au capital d’Open AI, pouvant influer sur la communication de l’entreprise.

Quoi qu’il en soit, cet épisode révèle une certaine rivalité entre Mark Zuckerberg et Sam Altman. Le premier entend bien damer le pion au second, en promettant une IA révolutionnaire là où OpenAI prône désormais la prudence. Llama 3 symboliserait alors la « revanche » de Meta face aux succès médiatiques de ChatGPT ces derniers mois.

L’avènement de l’IA générale, entre fantasmes et réalité?

Derrière le spectacle de cette joute verbale entre les deux milliardaires, il convient de s’interroger : sommes-nous réellement proches de créer une « super IA » dotée de conscience comme le laisse entendre Mark Zuckerberg ?

Rien n’est moins sûr à en croire plusieurs études sur la question. D’après un rapport, les experts du domaine estiment majoritairement que l’émergence d’une intelligence artificielle générale n’adviendra pas avant 2060.

Une prédiction confirmée par Yann Le Cun, le Scientifique en chef de l’IA de Meta lui-même dans une interview récente. Pour lui, malgré les incroyables avancées des dernières années dans l’apprentissage automatique, nous restons encore très loin du Graal d’une IA consciente d’elle-même et de son impact sur le monde.

Conclusion : Mettre de côté la course au sensationnalisme

Au final, derrière le battage médiatique autour de Llama 3 et les grandes déclarations de Mark Zuckerberg, force est de constater que le développement d’une véritable intelligence artificielle générale relève encore largement de la prospective. Les modèles de langage actuels aussi performants soient-ils ne possèdent aucune conscience, et reste des outils, certes perfectionnés, mais sans libre arbitre.

On peut cependant craindre que cette course au sensationnalisme autour de la création d’une « super IA » ne pousse certains acteurs à brûler les étapes par pur esprit de compétition, au mépris des risques que cela suppose.

Le cas de Mark Zuckerberg donnant accès à la future version améliorée de Llama sans aucun cadre éthique ou déontologique en témoigne. Plutôt que de communiquer de manière aussi tapageuse et désinvolte, Meta et OpenAI gagneraient à coordonner leurs efforts de recherche dans la plus grande transparence.

Seule une collaboration étroite entre industriels, chercheurs et pouvoirs publics pour développer les IA de demain en accord avec nos valeurs fondamentales permettra d’éviter les écueils du sensationnalisme. L’enjeu dépasse largement la simple guerre d’ego de quelques milliardaires en quête de nouveaux profits.

L’avènement prochain d’une IA douée de conscience n’a rien d’inéluctable en soi. Gardons à l’esprit que son éventuelle émergence dépendra avant tout des choix éthiques que nous déciderons collectivement de promouvoir aujourd’hui. Le futur reste à écrire !

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